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Voici l’un des lieux de la terre d’Elion où j’aimerais beaucoup me promener…

Assise sur les rochers, la jeune femme observait les vagues qui se lançaient à l’assaut de ses orteils. L’écume les couvrait un instant avant de se retirer, pour mieux revenir l’instant d’après. Une mer tout aussi inlassable que celle qui l’admirait.

« Je n’ai pas le droit d’être ici… »

En réalité, elle s’en fichait. Elle avait trop besoin de cet espace de liberté dans son quotidien bien organisé. Son regard s’éloigna un peu des rochers. Dans l’eau transparente, elle aperçut un groupe de Myades. Instinctivement, la jeune femme remonta les pieds, juste avant de se moquer de sa frayeur.

Bien sûr qu’elle ne craignait rien ! N’avait-elle pas observé tant de fois les Runadels qui plongeaient des falaises, nageaient dans les vagues et couraient ensuite sans dommage sur la plage. Les Myades n’avaient rien à voir avec les Ryades de la rivière. Elles ne tuaient pas.

Elle balança à nouveau ses jambes dans l’eau.

Les créatures s’approchèrent de la plage. Leurs longs cheveux flottaient autour d’un visage de femme, glissant jusqu’à leur queue de poisson. Elles évoluaient avec grâce, décrivaient de larges cercles très lents, accéléraient brusquement en un ballet fascinant. Parfois, elles émergeaient à la surface. Rien qu’un instant. Juste le temps de présenter aux soleils la pierre précieuse incrustée au sommet de leur crâne, ruisselante d’eau et de lumière.

La jeune fille les envia. Quelle liberté elles semblaient avoir !
Et elle ?
Elle se promit qu’un jour elle apprendrait à nager.
Elle se promit qu’un jour elle s’échapperait de sa prison…

Ses yeux glissèrent sur la mer, Petite Baie autour d’elle créait comme un espace protégé à l’intérieur de la Baie des Déesses. Loin sur sa droite, elle distinguait les maisons surélevées de Rune. Quelques bateaux aux voiles blanches naviguaient le long de la côte, trop loin pour l’inquiéter. Sa tête pivota, son regard traversa les pinces de crabes, survola sans les voir les brumes éternelles d’où émergeaient les falaises de la terre nouvelle, revint se poser sur la terre d’Elion. Là-bas, elle distinguait quelques tâches brumes rehaussées d’éclats rouges : les contours de Lo-Oraly.
En termina son tour d’horizon par la formidable cascade qui se jetait dans la mer, à sa gauche. Il n’en existait pas de plus importante sur la terre d’Elion. Large d’au moins six pas, elle jaillissait directement de l’intérieur de la falaise. On disait que, quelque part au nord, l’eau d’une rivière plongeait sous la surface du sol. Elle suivait ensuite un chemin secret pour retrouver la lumière ici.
La jeune femme était tout autant fascinée par la force incroyable de la cascade que par le mystère qui l’entourait. La cascade était à une distance d’une dizaine de pas et pourtant, elle en sentait les gouttelettes qui voltigeait sur sa joue. A moins que ce ne soit les perles salées de la mer…

Elle tordit le cou pour regarder par dessus les flots impétueux. Bien entendu, Val-Torel était invisible. Caché par l’avancée de la falaise et l’enchevêtrement des buissons au-dessus de sa tête. Un toit naturel qui protégeait parfaitement des regards. Là-haut sur les rochers, nul ne pouvait deviner qu’il y avait là une petite crique secrète. Et une plage.

« Mon sanctuaire secret… »

Une main minuscule frôla son talon. Elle frémit.
La Myade aux cheveux bleus s’approcha encore un peu. La jeune fille se pencha au-dessus des vagues et laissa glisser sa main à la poursuite de la créature. La Myade s’échappa, abandonnant aux remous des vagues une pierre transparente, de la couleur de ses cheveux. A chaque assaut de la mer, elle s’enfonçait davantage dans le sable.

La jeune fille changea de position. La tête au ras de l’eau, elle étira le bras au maximum. Ses doigts se refermèrent sur la pierre alors qu’une vague lui sautait au visage. Elle cracha et éclata de rire.
Elle sortit la main et ouvrit les doigts. Les rayons des soleils traversaient la pierre, projetant sur sa main une lumière bleue qui faisait scintiller les grains de sable.

« Un trésor interdit. »

Elle se releva souplement et se retourna. La pierre toujours en main, elle sauta souplement de rochers en rochers. Ce n’était pas la première fois qu’elle se prêtait à ce petit jeu. En cinq bonds, elle rejoignit la plage. Un sable fin, blanc. Quelques algues grises séchées par les soleils. Des morceaux de bois flottés, ici ou là.

« Terre interdite, terre maudite… »

Pas pour elle.

Lorsqu’elle se trouvait ici, elle avait toujours envie de sauter, de courir, de hurler son bonheur. Ses pieds nus plongeait dans la masse mouvante -il faudrait qu’elle les nettoie soigneusement tout à l’heure-. Elle adorait cela. Une envie folle la saisie : se rouler dans la masse brûlante, seule, nue.
Peut-être qu’elle le ferait un jour.
Quand elle aurait un peu mieux apprivoisé cet endroit magique.
Pour l’heure, elle se contenta d’avancer le long de la ligne d’ombre qui séparait le sable brûlant d’avec un sable frais. Une frontière qui voyageait au fil du temps. Son horloge.
Il faudrait bientôt partir…

Alors, elle plongea résolument dans l’ombre.

Elle atteignit la falaise et se glissa sans hésitation dans une fente étroite du rocher Cette grotte, c’était le petit plus qui rendait l’endroit oh combien fabuleux ! Elle songea à la première fois, celle de la découverte. Elle voulait juste toucher la mer.
Elle en était tombée amoureuse.
Pleinement.
Définitivement.
Elle ne pouvait plus s’en passer.

Elle repensa à toutes les mises en garde et sourit.
Elle se décala pour laisser les soleils passer par l’étroite ouverture et démultiplier leur lumière à l’intérieur des pierres. Comme la mer, comme la cascade, elle ne se lassait pas d’admirer ce lieu.
Devant elle, la roche se tordait dans un caliédoscope d’oranges et d’or. Des striures marrons. Des touches de rouges, infimes. Des colonnes étranges qui se tordaient, du plafond irrégulier jusqu’au sol de sable blanc. A ses pieds, des dizaines de pierres transparentes, celle des Myades. Déposées là par une main puissante, invincible : celle de la mer.

La jeune femme ouvrit les doigts. Son trésor rejoignit les autres.

« Faut que je rentre… »

Encore un instant.
Alors qu’elle s’apprêtait à se retourner, une ombre barra l’entrée de la grotte. Elle se figea.

« Découverte… »