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Cet article fait parti d’un ensemble d’articles en lien avec mon roman Si j’avais su.

Le roman est disponible en versions numérique et brochée sur Amazon. 

Extrait du journal de Juliette

Quand je raconte un peu mon histoire et mon quotidien avec ma petite fée SMS, on me dit souvent :

« Ah mais qu’est-ce que tu es courageuse ! »

Ce genre de remarques bienveillantes, sincères et qui se veulent encourageantes glissent dans mon oreille mais ne descendent pas jusqu’au cœur. En général, j’ai l’impression que les mots ne me concernent pas, qu’ils n’ont aucune consistance.

Courageuse moi ?

Si tu savais tout ce que je ne te dis pas…

(Attention, je risque de te choquer, âme sensible s’abstenir !)

Je ne te dis pas toutes ces nuits où je mets la tête sous mon oreiller pour ne plus entendre l’agitation, les coups de pieds dans le mur et même les cris qui me transpercent. Où je voudrais me cogner le front sur les montants du lit… comme si ça pouvait changer quelque chose. Où je rêve de dormir enfin en paix après des années de nuits coupées.

Je ne te dis pas toutes les fois où j’ai juste envie de partir en courant. De tout laisser tomber, même ceux que j’aime. Pour recommencer loin, seule, autrement et surtout sans prendre le risque d’avoir un enfant.

Je ne te dis pas le nombre de fois où j’ai pensé que si je n’avais pas eu cette idée d’avoir un 3ème enfant, tout aurait été tellement tellement simple dans ma vie (si si je t’assure, le fossé entre les deux schémas de vie est juste énorme…).

Je ne te raconte pas les soirs où je me dis que l’adoption pourrait être une solution somme toute convenable pour ma petite fée (avant de me dire que je ne suis même pas certaine de trouver une famille avec le brin de folie nécessaire pour l’accepter).

Je ne te dis pas les instants où la colère en moi est si forte que j’ai envie de frapper la petite fée, juste pour qu’elle arrête de me torturer avec ses mots, ses gestes, ses cris. Et où je me rends compte combien ma résistance a ses limites, combien mon coeur est noir. 

Je ne te dis pas toutes les fois où je n’écoute mes autres princesses que d’une oreille en priant pour qu’elles ne le remarquent pas, parce que je suis trop fatiguée pour réfléchir (et je me sens tellement coupable de ne pas avoir l’énergie de leur accorder plus). 

Je ne te dis pas ces jours où je refuse d’être l’amante que mon homme attend, simplement parce que je n’en peux plus de donner, je n’en peux plus d’être touché et que je veux qu’on me fiche la paix.

Je ne te dis pas que je me trouvais bien plus courageuse quand j’étais à la fois maman, chef d’entreprise, engagée dans le milieu associatif et prête à inviter à la dernière minute tous les amis qui en avaient besoin. Alors qu’aujourd’hui, je passe mon peu de temps libre à juste respirer dans mon canapé pour survivre à l’apnée du reste du temps.

Pourtant…

Pourtant, le courage c’est le fait d’agir malgré les difficultés, la force devant la souffrance (ce n’est pas moi qui le dit, c’est le dico). Je suis quand même allée voir la définition. 

Et pourtant, je me dis que oui…

Oui, je me lève encore toutes les nuits quand la petite fée vient me tirer du sommeil. Je la couvre de bisous et lui caresse le visage. Et je mets aussi le pied hors du lit chaque matin alors que je sais très bien qu’elle va hurler dès que je vais vouloir l’habiller. 

Oui, je suis toujours là. Incapable de fuir parce qu’incapable de faire du mal à ceux que j’aime. 

Oui, je défendrais mes droits avec toute l’énergie possible si on cherchait à placer ma petite fée en famille d’accueil ou même simplement si on me suggérait que quelqu’un est mieux placé que moi pour s’en occuper. Me l’enlever serait m’arracher le coeur. 

Oui, j’arrive encore à me pardonner la colère, à retenir mes gestes et à me laisser envahir par l’amour qui supporte tout. 

Oui, je veille à faire des jeux et des sorties juste avec mes deux grandes, à soutenir leurs rêves, à leur donner ce que je peux quand je le peux, au maximum. Et j’aime tellement ces moments de complicité partagée.

Oui, j’écoute mon homme quand il me parle de ses projets, je m’oublie pour lui laisser la place, je veille aux détails pour qu’il se sente bien, aimé, compris, accompagné, soutenu.

Oui, je cuisine (avec plein de légumes parce que j’aime trop ça) et je cherche même de nouvelles recettes pour plaire à toute la famille, je range les jouets chaque soir, je fais les lessives tous les jours, je coache pour les devoirs, j’accompagne aux sorties scolaires quand je peux, je passe des heures dans les salles d’attente pour présenter la petite fée à tous les spécialistes susceptibles de pouvoir améliorer son quotidien et j’applaudis toutes les victoires de mes filles, même les plus petites.

Alors oui, peut-être que tu as raison et que je suis courageuse.

Après tout, ce n’est pas uniquement ce que l’on ressent qui définit le réel. Le courage, c’est comme l’amour, ça se décide aussi jour après jour.

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