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Rendez-vous avec les wàn

Cet article fait parti d’une série d’articles en lien avec mon nouveau roman Aynor.

Le roman est disponible en versions numérique et brochée sur Amazon.

Ils ont le crâne rasé en signe de déshonneur.
Ils ne possèdent rien mis à part le vêtement qu’ils portent.
Ils dorment sous les étoiles par beau temps, sous la coque de leurs navires quand la météo se déchaîne.

Ce sont exclusivement des hommes, abandonnés à la naissance.

Ils ont un membre déformé, un défaut de peau, une étrangeté sur le visage et ils sont intouchables, car on craint une contamination possible de leurs infirmités.

Ils n’ont pas le droit d’entrer dans les villes et villages, encore moins de franchir les portes de la cité royale de Veema.

Pourtant, ils sont indispensables à la société.

Ce sont eux qui embaument les dépouilles, puis les conduisent à l’île de l’Autre Monde.
Eux qui disposent les trésors sous les tertres afin que les morts ne manquent de rien.
Eux qui effectuent les rituels anciens et magiques, capables de guider les défunts vers le monde d’après.

Ce sont les wàn.
Une caste à part que l’on méprise en silence, mais entre les mains de laquelle chacun tombe un jour.

Je te propose aujourd’hui une rencontre avec Hadriel, un wàn qui jouera un rôle essentiel dans Aynor T1- Trahison.

Le soleil couchant dardait ses rayons orange sur la barque. La mer était lisse, le ciel y reflétait ses nuages pourpres. Dans un silence absolu, les dix hommes plongeaient leur rame dans l’onde et, après une poussée en cadence, la relevaitent. Des gouttes d’arc-en-ciel s’envolaient alors du bois pour glisser aussitôt vers les vagues. Debout à la proue, le visage grave comme l’exigeaient les circonstances, – il revenait de l’île de l’autre monde sur laquelle il avait déposé la femme de l’homme bedonnant assis à l’arrière du bateau – Hadriel observait Veema qui approchait. La lumière tombait sur ses épaules nues en une cascade qui faisait ressortir les défauts de pigmentations de sa peau. Des taches pâles, presque blanches formaient des arabesques étranges qui couraient le long des bras de l’homme, sur son dos, sur son torse. Son visage n’avait pas été épargné. Hadriel redressa ses épaules courbaturées. Il était fatigué. La journée avait été longue et il avait hâte d’être à nouveau libre de ses mouvements. Un sourire intérieur inonda son âme alors même que pas une émotion ne transparaissait sur son visage. Il avait appris à dissimuler depuis longtemps. Et c’est ce qui le sauvait jour après jour. 

« Liberté »

Le mot était doux à son cœur. Si peu présent dans sa vie actuelle, et pourtant teinté d’espoir. N’en rêvait-il pas depuis l’enfance ? Il ne pouvait se résoudre à cesser de croire qu’il l’atteindrait un jour.
Le bateau longeait maintenant une île minuscule sur laquelle se dressait une bâtisse de bois. Trois murs et un toit, protection bien insuffisante lorsque les tempêtes s’abattaient sur Warsën. Pourtant, c’était tout ce dont avait droit les membres de la caste d’Hadriel, les wàn. La barque dépassa l’île. Veema s’étendait maintenant devant elle, dominée par le palais royal avec ses murs blancs décorés d’or et ses toits bleus. Le corps d’Hadriel demeura immobile tandis que son regard courait le long du chemin de ronde. Des reflets de lumière l’attaquèrent, dernières projections de soleil sur les armures des soldats. Le wàn se dit une fois de plus que, si son destin avait été différent, il aurait aimé être l’un d’eux. Pour le défi physique plus que pour la certitude de manger à sa faim ou que pour une question de dévotion à son pays.

« Peut-être les lois changeront-elles un jour », se dit-il.

Il l’espérait. Pour son pays. Pour tous ceux qui, comme lui, nés avec un défaut physique étaient rejetés par la société. Pour ceux qui étaient morts faute de compassion.

« Tu n’as pas à te plaindre, se rappela-t-il, comme il le faisait chaque jour. »

Il avait eu de la chance. Une double chance. Il avait été abandonné dans une période où peu de bébés l’avaient été. De ce fait, les wàn avaient besoin d’apprentis et ils l’avaient gardé. Et puis, Yoni l’avait adopté. L’homme n’avait qu’un bras, mais il était loyal et bon et il lui avait transmis tout ce qu’il savait. Non, vraiment, Hadriel n’avait pas à se plaindre.

« Et pourtant… » se dit-il. 

Pourtant, il restait prisonnier des traditions, du regard obtus de son peuple. 

« La reine Laélia… » se dit-il alors que le bateau cognait contre la plage. « C’est elle mon seul espoir. »

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