Raya - Nuit mouvementée 2
Cet article fait parti d’une série d’articles en lien avec mon nouveau roman Aynor.
Le roman est disponible en versions numérique et brochée sur Amazon.
Pour retrouver l’épisode 1, c’est par là.
Raya attrapa le doudou par la queue, repoussa sa couverture d’un geste décidé et mis un pied à terre. Elle fit glisser sa chemise de nuit jusqu’au sol et attrapa son sarouel préféré qu’elle enfila rapidement. Elle passa une tunique sans manche pour compléter sa tenue.
– C’est mieux, hein Ry ?
La petite fille n’avait jamais compris pourquoi sa mère fronçait les sourcils lorsqu’elle la découvrait ainsi vêtue. Ni pour quelle raison elle aurait dû porter les longues robes qu’affectionnaient les femmes de Varsën.
Pieds nus, Raya traversa le tapis de peau qui séparait le lit de la porte de la chambre. C’était la fourrure d’un grand tigre chassé par son grand-père. À chaque fois qu’elle y posait les orteils, elle percevait la force passée de l’animal. Des images se déployaient dans son esprit : des arbres immenses entremêlés de lianes, des fleurs aux formes étranges, des perroquets aux couleurs flamboyantes. Elle souriait en explorant un monde qui lui était interdit. Laélia l’avait plus d’une fois surprise assise en tailleur sur le dos du tigre, les yeux fermés, de l’émerveillement plein le visage.
Cette fois, Raya ne s’attarda pas. Sa décision prise, sa peur s’était envolée.
Elle poussa la porte en prenant garde à aller doucement. Un léger grincement retentit dans la nuit. La petite fille se figea. Comme elle ne percevait aucun mouvement dans la chambre attenante, elle se détendit et s’échappa. Le couloir était immense et très sombre. Sur les murs, la petite fille distinguait quelques-unes des lignes déformées des peintures qui décoraient les lieux. Elle voyait plus nettement les innombrables sculptures qui formaient une escorte menaçante sur ses pas. L’odeur de poussière qui s’y accrochait depuis toujours lui emplit les narines. L’enfant serra Ry contre son coeur et esquissa quelques pas de danse. Ce qu’elle adorait par-dessus tout dans ce couloir c’est l’espace qu’elle avait pour valser sans être arrêtée. Elle se gardait bien de le faire lorsqu’elle était accompagnée. Ce genre de mouvements étaient très mal vus à Varsën. Mais, elle profitait des instants de solitude pour s’exprimer pleinement.
Très vite, elle arriva au bout du couloir et emprunta le grand escalier qui menait à l’étage inférieur. En passant devant la porte de la salle du conseil, elle entendit la voix de son père, et celle plus grave de Kéoh. La petite fille s’arrêta. La perspective de se poletonner sur les genoux d’Ayden et de s’endormir dans ses bras était tentante. Mais elle n’aimait pas le premier conseiller. Il était toujours dans l’ombre du roi qui paraissait l’apprécier. Elle, elle voyait l’aura sombre qui émanait de lui. Et elle détestait sa façon de la regarder par moment.
Elle s’éloigna de la porte. Il fallait qu’elle aille aux écuries de toute façon. Si elle ne faisait rien pour lui qui sait ce qui arriverait au cheval ?
Les couloirs se succédèrent aux couloirs tandis que la petite fille traversait le palais endormi. Il était immense, mais jamais elle ne s’était perdue. Elle en connaissait chaque recoin, même les passages secrets dont son père lui avait révélé l’existence dès qu’elle avait été en âge de comprendre.
– Il est interdit de les utiliser dans tes jeux, avait-il précisé. Ils sont là seulement en cas de grand danger.
La fillette avait hoché la tête, les yeux graves.
À ce souvenir, elle secoua ses boucles emmêlées. Le poids ne disparut pas de son esprit. Au contraire, elle le sentait grandir de jour en jour même si elle ne parvenait pas à identifier la menace. Le danger, c’était pour bientôt. L’enfant cacha son nez dans la fourrure de Ry et respira son odeur rassurante : un mélange de parfums issus de la forêt.
– Tu resteras avec moi, hein ?
Elle dansa devant les portes qui menaient aux cuisines, longea le bâtiment des serviteurs en prenant garde à rester dans l’ombre. Certains s’agitaient encore et elle ne voulait rencontrer personne. Enfin, elle déboucha dans l’arrière-cour. Elle s’arrêta quelques instants pour admirer les étoiles qui scintillaient au fond du puits et caresser de ses doigts la douceur des pétales des fleurs sauvages qui poussaient au hasard entre les dalles. L’air était lourd ce soir. Un roulement de tonnerre arracha Raya à sa contemplation et la poussa à avancer. Elle hésita devant la porte de la remise. La traverser la mènerait droit aux écuries. Un raccourci qui lui assurerait de ne croiser personne. Mais elle y renonça. Une fois, elle avait tenté le coup. Elle avait été assaillie au milieu du chemin par les souvenirs qui hantaient le lieu. Des images confuses valsaient encore dans sa tête quand elle posait les yeux sur la porte. Il s’était produit un drame ici qu’elle ne voulait en aucun cas réveiller.
Alors, l’enfant fit le tour, courbé derrière les murets de pierres pour éviter les regards des rares travailleurs nocturnes. Elle entendit les cris de l’étalon et le raclement de ses sabots contre les parois du box bien avant d’atteindre l’entrée de l’écurie. Son coeur se serra. C’étaient des hennissements de colère mêlés de désespoir.
– J’arrive… murmura-t-elle.
Échappez-vous dans mes univers imaginaires…
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