Plutôt que de faire de grands discours ou une interminable liste, voici une petite immersion dans la vie des Gandaris de 0 à 17 ans. Garçons et filles ne bénéficiant pas de la même éducation, vous suivrez tantôt Lozyn, futur guerrier, et tantôt Lotra, sa soeur.
Bonne lecture !
Année 0
Fait rare et un peu étrange aux yeux des Gandaris, des jumeaux sont nés ce jour dans la maison de bois de Jonalys.
Elion, le grand dieu étalon soit loué, l’un des deux est un garçon. Le premier de la fratrie de quatre enfants. Et certainement pas le dernier. Les grandes familles sont à l’honneur en terre Gandaris !
Une fois les guérisseuses parties, Jonalys a à peine jeté un regard sur le second bébé, une petite fille tout en rondeur, laissant le soin à sa mère de lui trouver un prénom.
Son fils serré dans ses bras, il s’est précipité chez Galliam, le chef spirituel du village afin de lui présenter son fils. Puis, il a montré le bébé vagissant à l’ensemble du village en dévoilant son prénom : Lozyn.
Année 1
Lozyn et Lotra font leurs premiers pas dans la poussière de l’été, à l’ombre des grands arbres qui bordent Val-Torel, leur village. Autour d’eux, d’autres enfants entre 0 et 5 ans s’amusent avec bâtons et cailloux. Les garçons miment de féroces batailles. Les filles bercent des bébés de paille.
Sous le couvert des arbres, l’une des grandes soeurs des jumeaux termine sa cueillette de la journée, un oeil sur les petits. Un peu plus loin, un groupe d’hommes revient de la chasse.
Lozyn se précipite en reconnaissant son père. Un peu vacillant, il parvient à se glisser entre les jambes des adultes et à s’agripper au pagne de Jonalys. Celui-ci le repousse rudement.
Avant 5 ans, les enfants ne participent en rien à la vie des ainés.
Année 5
Lotra remue la soupe qui mijote dans la grande marmite au coeur de la maison familiale. Elle tremble un peu malgré la chaleur dégagée par le feu. Dehors, le vent mugit. D’un regard, elle vérifie que le bébé dort toujours sur la couche de fourrure où sa mère l’a déposé.
Soudain, la porte s’ouvre, envoyant une bourrasque de flocons glacés vers la marmite. Les flammes ploient sous l’assaut. Lozyn entre. Il referme le battant de bois puis chancelle sur quelques pas et s’écroule. Lotra se précipite pour l’aider à enlever le manteau trempé de ses épaules et à s’approcher du foyer. Son frère reste silencieux un long moment tandis qu’elle attend, avide de connaître tous les détails. Aujourd’hui, Lozyn a commencé son apprentissage aux côtés des guerriers ! Il attendait ce moment avec une impatience qui faisait pâlir sa soeur de jalousie et voilà qu’il ne dit plus rien. Frigorifié. Les mains traversées de zébrures rouges. Le regard fuyant. Lotra est soudain heureuse d’être restée relativement au chaud. Elle sait que demain, son frère n’aura d’autre choix que de ressortir. Et le lendemain encore. Puis tous les jours suivants. Quelque soit l’état de la météo ou ses désirs personnels. Il n’échappera pas au regard du maître guerrier. Adieu jeux et poursuites. Alors qu’elle, elle arrive encore à voler quelques instants pour jouer avec sa poupée ou bavarder avec ses amies.
Année 10
Lozyn est assis, immobile au centre d’un cercle de pierres violettes. Au coeur de la forêt. Il ne fait pas vraiment froid. Mais la nuit est plus sombre que toutes celles qui ont précédées. Et il est seul.
Le vent joue dans les feuillages, inondant l’obscurité de craquements étranges. Lozyn n’arrive plus à se concentrer. Il ne sait pas s’il s’agit d’animaux féroces tapis dans les buissons ou du fruit de son imagination. Sa langue passe sur ses lèvres craquelées. Pour se donner du courage, il se dit qu’il a déjà affronté deux nuits semblables et que celle-ci est la dernière. Qu’il a aussi survécu à deux longues journées, abandonné dans ce cercle de pierres. Sans eau. Sans nourriture.
Il pense à demain. Aux félicitations de Galliam. A celles des guerriers. Malgré la sécheresse de sa gorge, il salive presque en songeant au festin qui l’attend. Mais, en place de la viande grésillante de cerf sur le foyer de Jonalys, il ne voit que le corps sanguinolent de Kran, son meilleur ami, déchiré par les loups l’année dernière, alors qu’il achevait cette même épreuve rituelle. Et la peur le reprend, terrible. Car il sait qu’il ne sortira pas du cercle de pierres. Les loups peuvent venir. Il se bougera pas. S’il sort, c’est son peuple entier qui le condamnera. Et il mourra.
Alors, pour oublier la double menace, il tente de se souvenir des enseignements de Galliam : la légende fondatrice des Gandaris, le noms de tous les chefs guerriers depuis leur arrivée sur la terre d’Élion, les tempêtes les plus dévastatrices. Lentement, la nuit passe…
Année 15
Lotra est debout sur la place centrale du village, une couronne de fleurs sur la tête, des colliers de perles autour du cou et, surtout, le ruban rouge qui semble peser bien lourd à son poignet. Le ruban rouge qui lie à jamais son destin à celui de Saron, un guerrier de deux ans son aîné.
Elle ne l’a pas choisi. Elle espérait secrètement que son père et Galliam la donnerait à Daveï.
Du coin de l’oeil, elle retrouve son frère dans la foule. Entouré d’autres hommes. Il a beaucoup changé en quelques années pour passer d’un frêle garçon à un jeune homme musclé, capable, comme tous les hommes Gandaris de combattre à l’épée, de tirer à l’arc, de lutter à mains nues ou encore de courir un jour entier. En plus de l’entrainement quotidien avec les guerriers, des après-midis passés à écouter l’histoire de leur peuple et les devoirs spirituels en compagnie de Galliam, Lozyn a appris le métier de son père. Il l’égale presque et deviendra très certainement l’un des tanneurs les plus renommés des Gandaris.
Année 17
Lozyn brandit son poignet face à la foule, révélant à tous le tatouage que lui a choisi Galliam : un cerf en plein galop. Il sent son coeur se gonfler de fierté sous les vivats de son peuple. Sept jours plus tôt, il a accompli la dernière de la série d’épreuves qui ont marquées ses 12 années d’apprentissages : il a chassé en solitaire dans les monts désolés et ramené une proie digne des siens.
Le tatouage prouve à tous qu’il est passé de l’enfance à l’âge adulte. Une nouvelle vie s’ouvre devant lui.