Aujourd’hui, j’aimerais vous proposer une petite promenade sur la terre d’Elion, le monde de Schimeï. Si vous êtes prêts à vous lever tôt, je vous emmène avec moi !
Les rayons rouges du premier soleil franchirent l’horizon pour venir caresser les ailes immaculées de l’aigle. L’animal plana sur les courants jusqu’aux immenses falaises campées dans un brouillard perpétuel, là, au beau milieu de la mer.
Le rapace avisa une petite barque de pêcheur qui longeait la masse grise. Il savait qu’elle ne s’en approcherait pas davantage. Nul ne pouvait violer les secrets de ce lieu et survivre.
Comme escompté, l’embarcation vira de bord tandis que les rayons du second soleil frappaient le haut du mat. Le vent s’engouffra dans la toile claire. Le bateau fit un bond en avant, s’éloigna des brumes et se dirigea à vive allure vers les pinces de crabes, ces deux avancées de terre à l’embouchure de la baie des Déesses. Il franchit le défilé et entra au coeur de la terre d’Elion.
L’aigle donna un coup d’ailes puissant pour s’approcher de la côte. Son oeil doré se posa sur le premier des trois villages perchés en haut des falaises qui dominaient la baie. Lo-Oraly dormait encore. A l’est, presque au bout des pinces de crabe, le cercle de maisons de bois se fondaient dans les lueurs ténues de l’aube. L’oeil acéré de l’aigle fouilla les rues désertes pour finalement s’arrêter au centre. Là, un immense trou noir – le Gouffre Vert – plongeait dans les ténèbres.
L’aigle descendit vers la gueule béante et profita d’un courant ascendant pour survoler la forêt. Les rayons violets y posaient un premier baiser. Brusquement, ils se mirent à courir dans les cimes, éveillant une nuée d’oiseaux sous leur étreinte silencieuse. L’aigle accéléra. Il précéda les soleils au-dessus de Val-Torel, le second village Gandaris. Au nord, quasiment en face des pinces de crabes et des falaises interdites, un groupe de guerriers s’entrainaient déjà.
Alors que l’aigle planait au-dessus des toits ornées de pierres précieuses multicolores, les soleils le rattrapèrent. Un flot scintillant dansa dans son oeil puis explosa autour de lui en une gerbe de lumière.
L’aigle inclina la tête sur la gauche. Au sud-ouest, de la fumée s’échappait des cheminées de Rune, le village Runadel. Sous les pilotis qui soutenaient les maisons, quelques silhouettes s’activaient. Un groupe d’enfants descendit le sentier qui menait à la plage. Ils firent de grands gestes de la main pour accueillir le bateau qui accostait près des cabanes de pêcheurs.
L’aigle les laissa pour s’élever plus haut. Les villages se transformèrent en tâches insignifiantes, posées au coeur d’un monde bien plus vaste. Le rapace dominait maintenant la presque’île d’Elion. Il en apprécia les différences.
A l’ouest se trouvaient de nombreuses rivières sur lesquelles aimaient naviguer les quelques familles nomades des Runadels. Des marais. Quelques lacs aussi. Le plus important, le lac étoile flamboyait aux soleils. Pourtant, au sein des reflets étincelants, demeurait une tâche grise : une île dangereuse, cachée dans les brumes.
A l’est, les rivières étaient plus rares, les montagnes et les forêts plus nombreuses.
Deux territoires, deux ailes de papillon qui se rejoignaient pour former une même terre enlacée d’ombres et de lumières.
L’aigle avança un peu plus vers les frontières du nord. D’un simple coup d’oeil, il engloba les grandes montagnes aux sommets neigeux qui barraient la route au nord-ouest comme au nord-est. De chacune des chaines partait une grosse rivière : l’Orou et l’Oble.
Et derrière les rivières, une nouvelle barrière de brouillards infranchissables.
L’aigle s’en approcha. Ses ailes blanches, auréolés d’une clarté violette, se replièrent brusquement tandis qu’il plongeait à toute vitesse derrière Ganadel, la cité fantôme. Il traversa les brumes et atteignit les terres inexplorées.