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Cet article fait parti d’un ensemble d’articles en lien avec mon roman Si j’avais su.

Le roman est disponible en versions numérique et brochée sur Amazon. 

Extrait du journal de Juliette

Le froid vif me saisit dès la porte de la maison passée. Toi, petite fée, tu ne sembles pas t’en soucier. Ta couette voltige derrière ta tête, libre. Tu as refusé net le bonnet et j’avoue que je ne sais pas comment te le faire tenir sur la tête. Il remonte sans arrêt, laisse tes oreilles à découvert et tu finis immanquablement par l’arracher. J’en arrive alors au même point que maintenant : trembler à chaque coup de vent en attendant de te voir éternuer. Car qui dit rhume dit presque toujours complications : énervement chez toi, nuits encore plus aléatoires, et parfois même hospitalisation.

Fragilité. 

Tu sembles t’en moquer éperdument alors que tu pars en courant traînant derrière toi la poussette de marché. Je repousse l’inquiétude. Je te vois profiter de l’instant et je décide de faire de même. Je souris. 

Je te laisse appuyer sur le bouton d’ouverture de la porte et nous voilà dans la rue. De multiples pensées se bousculent en moi. Des émotions diverses comme à chaque heure qui passe. Aujourd’hui, il y en a trois principales.

L’appréhension.

Je ne peux pas la refouler totalement. Je suis avec toi, et chez toi les changements d’humeur ne préviennent pas. Ne se détournent pas. Ne se maîtrisent pas. Qu’en sera-t-il de cette sortie ? Je l’ai prévue très courte. Le marché à cinq cent mètres et c’est tout. Mais sur un kilomètre aller-retour, il peut se passer tellement de choses ! Il s’en est déjà tellement passé. Car ce n’est pas la première fois. Ni la dernière que je t’emmène le mercredi matin avec moi. 

J’inspire profondément. Je bloque tout ce qu’il est possible de bloquer à l’intérieur de moi. Je sors la carapace. Je me répète que le regard des gens ne compte pas quoi qu’il arrive. 

L’amour.

Aujourd’hui, il me vient spontanément. Et plus encore quand, après avoir fait quelques pas, tu glisses ta petite main dans la mienne. Je savoure cet instant. Tu détestes si souvent me tenir la main… Je te redis comme j’aime que tu le fasses. Je plonge mon regard dans tes yeux brillants. Je me nourris de ton sourire et de tes yeux brillants de joie. 

Je t’emmène chaque mercredi au marché, car je sais combien tu aimes m’accompagner, traîner la poussette de marché à l’aller, m’aider à choisir les légumes, faire craquer les marchands qui te gâtent d’une banane par-ci, d’une fraise par-là. 

L’amour, c’est aussi un choix. Et j’ai choisi de t’offrir cette sortie, chaque semaine, quoiqu’il arrive. Il faut vraiment que tu sois hors de toi pour que j’y déroge. 

La joie.

Parce que j’aime moi aussi scruter les étalages à la recherche d’une belle scarole, de poireaux pour faire mes soupes, de radis à grignoter à toute heure, d’un butternut si savoureux et autres merveilles. J’ai l’impression de ramener des trésors dans mon panier. Et ça me plaît que tu aies le même enthousiasme que moi à venir les débusquer. 

Et puis la joie encore plus complète, celle que peu de personnes peuvent comprendre quand, comme aujourd’hui, on effectue l’aller et retour sans pleurs, sans cris, presque sans rappel à l’ordre. Une victoire qui n’appartient qu’à moi, car qui peut croire qu’aller au marché avec toi est aussi et à chaque fois, un défi à relever ?

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