Au fil des mots de La blonde
Cet article fait parti d’une série d’articles en lien avec mon nouveau roman Gecko.
Le roman est disponible en versions numérique et brochée sur Amazon.
Encore une !
J’entends les pas de Jordan qui s’éloigne de la porte de ma chambre. Il m’a réveillé alors que, pour une fois, je dormais tranquille. Pour le coup, je débarque en plein cauchemar.
– On a trouvé une naufragée sur le quai ! a-t-il clamé.
Une annonce assez violente pour me faire sauter du lit à demi nue.
Quand est-ce donc que cela cessera-t-il ? Ça faisait longtemps, je croyais en avoir fini avec eux… enfin, façon de parler. Comme si j’avais encore de la place à la citadelle pour accueillir tous les paumés des autres mondes… Non, en réalité, la place, on l’a. Entre les suicides et les solutions radicales du roi pour nous débarrasser des passeurs, je dois dire que ça a fait du vide. Mais je ne les supporte plus.
Je fouille à la hâte dans la malle de mes vêtements et enfile une tunique noire brodée du cercle de flammes. Un pantalon complète bientôt ma tenue.
Je hais les regards vides des naufragés, voilà ce que je me dis en ajustant la ceinture dorée. J’abhorre leur quête pathétique pour retrouver des souvenirs qui, je me suis laissée le dire, semble plus critiques encore que les ténèbres qui s’abattent sur les cinq mondes. Ils devraient nous remercier de leur ôter la mémoire, boire leur tisane du matin avec reconnaissance, plonger avec joie dans l’oubli. N’ont-ils donc aucune conscience de la chance qu’ils ont ? Un toit, de la nourriture, de quoi se divertir. Tout cela sans contrepartie mise à part leur liberté. La plupart du peuple ne peut pas en dire autant.
Je ne peux pas en dire autant…
Au lieu de s’en contenter, les naufragés murmurent dès que les gardiens ont le dos tourné. Ils se rencontrent, secrètement croient-ils, pour discuter du moyen de se soustraire aux règles.
Pas tous, je le reconnais…
Lisa et son regard vide ne les suit pas. Fabien… pff celui-là ferait mieux de sauter du haut de la tour au lieu de hurler “sauvez-moi!” à longueur de journée. On devrait le lui suggérer. La mort pour délivrance. Il faudra que je mette Jordan sur le coup. Je dois dire que celui-ci est un bon petit soldat, obéissant sans se poser de questions. Un véritable exemple.
Où est mon épée ?
Ah, la voilà… Inutile de me regarder dans le miroir. S je fais peur, ça ne sera que mieux. Il faut juste trouver le bon dosage au début. Un peu de complaisance – j’ai de plus en plus de mal à jouer ce rôle – pour arriver à récupérer sans heurts les objets insolites qu’elle pourrait posséder. Une femme… j’aurais préféré un homme. Plus facile à dépouiller en général. Quoi que, Fabien…
J’ouvre la porte. Un courant d’air glacé m’enveloppe tandis que j’avance dans les couloirs sombres. Nul besoin de lanternes, je les connais par coeur. Moi qui rêvais de faire quelques années de service parmi les gardiens puis de gagner ma liberté et assez de pièces pour acheter une maison à la limite entre la ville et les terres sauvages. Le roi se moque de mes rêves et je suis encore là, à dépérir. C’est la faute des magiciens, tout le monde le dit. Je ne sais pas si c’est vrai, mais si ça continue, les ténèbres, le froid, les naufragés et cette frontière qui avance, c’est moi qui vais sauter du haut de la tour. Vaut-il mieux mourir écrasée ou brûlée ?
Houla je m’égare ! Ça ne me vaut rien d’être réveillée en pleine nuit. Concentre-toi ma vieille.
J’entre dans mon bureau étroit et je m’installe derrière la table. Ils ne vont pas tarder à arriver, mes gardiens et cette nouvelle naufragée. Leurs pas résonnent dans la nuit. Je me compose un visage aussi neutre que possible pour les accueillir.
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